What's going on

Publié le par Vivi-Bulle

What's going on

Je suis une privilégiée.

Je suis un femme, blanche, vivant dans un pays riche et (à priori) libre. Et je ne sais pas quoi faire.

De mon côté, je n'ai jamais subi de discrimination. Je ne parle pas des "ritales", "mafieuse" et autres commentaires sur mon pays de naissance, ça ce n'est pas de la discrimination.

En tant que femme blanche, dans un pays riche et "démocratique" je n'ai jamais eu de problèmes à obtenir un logement ou un travail, je n'ai jamais eu de différence de salaires avec mes collègues ou un traitement différent (et je sais que ce n'est pas le cas pour toutes les femmes, de façon générale, j'ai été chanceuse) et je n'ai même jamais eu de contrôle de police "random". Jamais. Je n'ai JAMAIS de ma vie subi le racisme.

Et aujourd'hui, je ne sais pas quoi faire.

Je suis en ce moment même en train de lire un livre qui s'appelle "Une saison blanche et sèche" de André Brink, qui se passe en Afrique du Sud dans les années '70.

La ressemblance et les points communs avec la situation actuelle aux US et en France (entre autre) glace le sang. Un blanc, professeur de lycée, Ben, est lié d'amitié avec le jardinier, Gordon, un homme noir, qu'il aide en payant les études de ses enfants. Le plus âgé de ses enfants, Jonathan, disparaît pendant des émeutes et est "retrouvé" mort des mois plus tard, mais la police ne donne pas plus d'indications et empêche la famille de voir le corps. Gordon se met à enquêter sur la mort de son fils et est enlevé par les forces de l'ordre pour "Conspiracy". Il se "suicide" en prison. Ben décide d'amener l'affaire devant la justice, au vu de toutes les preuves contradictoires et de l'état du cadavres qui montrent clairement que Gordon était torturé. Il est confiant, la Justice ne peut rester aveugle et muette.

Et bien si. Non lieu, merci au revoir. 

Dans le livre, Ben est abasourdi, incrédule, car il n'a jamais été confronté directement à l'injustice. Et se pose donc la question: ET MAINTENANT? Il ne peut laisser les choses en l'état, il doit agir. Mais...Comment? Et maintenant....

Ces deux mots résonnent dans ma tête.

Pour la petite histoire, Ben décide de mener sa contre enquête et bien entendu se fait buter (pas de spoil, on sait qu'il meurt dès la première page du livre).

J'ai la chance d'avoir des parents qui sont et ont toujours été informés, éduqués, actifs en politique, qui ont toujours eu des valeurs, des points de vue construits et argumentés avec qui j'ai toujours pu échanger à propos de n'importe quel sujet. Sans rentrer dans le détail de la situation en Italie et de sa police, mais je peux définir mon père comme un anti-fasciste actif.

J'ai vu mes parents s'embrouiller et couper les ponts avec famille (je n'ai pas vu mes grand parents pendant la moitié de mon enfance), amis ou personne random dans la rue ou dans le bus suite à propos ou commentaires racistes ou "type extrême droite".

Je n'ai pas la possibilité de retransmettre ce type d'éducation directement, je ne suis pas instit et je n'ai pas d'enfant, mais je pense et j'espère avoir été et être à la hauteur de leur exemple.

Oui, mais avec ça? Est-ce que c'est suffisant? What's next?

J'ai l'intime conviction que, dans n'importe quel domaine, la connaissance, l'information et l'instruction sont la meilleure arme. Que l'ignorance est un fléau et que le manque de curiosité son cousin.

Mais est-ce que en 2020 on peut encore justifier l'ignorance? Avec ce que nous a enseigné l'histoire, avec la quantité d'informations accessible gratuitement et surtout la facilité d'accès à cette information, peut-on encore aujourd'hui excuser une personne de son ignorance totale?

Par nature personnelle et puis forcément par éducation comme expliqué plus haut, je suis une personne qui est beaucoup dans l'échange et la discussion. Quand je vois une info passer, j'ai besoin d'en savoir la source, les détails, l'historique, le contexte, poser des questions... Non pas que "je n'ai pas confiance" ou je doute, mais parce-que j'ai besoin de me sentir au courant des faits, de sentir que j'ai compris et que je suis assez à l'aise pour à mon tour éventuellement ouvrir ma bouche et donner mon avis.

C'est ma façon de faire et j'espère de tout coeur ne jamais tomber dans la facilité du jugement trop rapide et "sans retour en arrière" sans avoir pris le temps d'échanger et de discuter avant.

Je ne fais donc pas partie des gens qui partagent énormément et instantanément d'informations sur les réseaux. Je ne critique pas, au contraire, c'est souvent grâce à eux que j'ai moi même l'information à la base. Mais je fais partie de ces gens qui une fois reçue l'info, passe une heure sur internet pour tout regarder, qui en discute avec les amis et les proches et qui pose des questions.

Et c'est ce que j'ai fait aussi, cette fois ci, pendant les derniers événements, de l'assassinat de Ahmaud Arbery, la vidéo de l'interpellation à l'Ile St Denis avec passage à tabac et propos racistes, du jeune à Villeneuve la Garenne qui perd sa jambe, au meurtre de George Floyd.

Des discussions avec les proches ("fun-fact", mon père qui est pourtant abonné à des quotidiens nationaux, au Courier International et autres articles de politiques, n'avait jamais entendu parler de l'affaire Arbery, c'est moi qui lui ai fait part des faits. Les discussions qui ont suivi cet événements et les interventions violentes des policiers en France nous ont amenés à regarder le film "ACAB", film italien sur la police italienne, qui fait froid dans le dos et que je vous invite à regarder si vous le trouvez avec des sous-titres), avec les amis aux US, avec mon entourage direct, des échanges sur les contrôles de police en France, des lectures sur les procédures judiciaires et la signature de plusieurs pétitions qui me semblaient nécessaires.

Aurai-je pu (du) faire plus? Mieux? Différemment?

Qu'est-ce que une femme blanche privilégiée, qui n'a pas d'enfants à éduquer ou qui n'est pas à la tête d'une entreprise, peut faire concrètement pour le plus être juste "non" mais réellement "anti".

J'espère de tout coeur que mon entourage continuera d'être aussi ouvert qu'il ne l'est, à discuter, à échanger, à expliquer, à partager et surtout à dénoncer, quand quelque chose d'injuste se passe.

N'hésitez pas à faire remarquer à vos amis blancs et privilégié quand un commentaire, une remarque ou une blague est déplacé, blessant ou pas drôle. N'hésitez pas à rajouter des éléments qu'il n'a pas, n'hésitez pas à lui dire quel type d'action VOUS semble nécessaire de sa part. C'est ça, l'échange et le partage.

Je ne sais pas quoi faire. Mais je sais comment je me sens. Et je sais dans quelle direction j'ai envie que le monde aille et j'espère qu'on sera tous unis dans ce sens là.

 

 

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